Il m'est toujours émouvant de me souvenir des premiers temps de ma passion pour la Bête du Gévaudan.
Au début, ce n'est pas tellement le mystère qui vous attire, c'est plutôt la "Bête", la Bête en elle-même. La récit de ses aventures sinistres dans ce si beau pays qu'est le Gévaudan...
Pour commencer, on lit quelques livres, on se laisse bercer par cette histoire imprégnée de mythologie sans se soucier de la face cachée des mots.
Et puis d'abord, on ne croit pas vraiment en la Bête. On croit en la légende, surtout.
La Bête, on ne sait pas combien elle a fait de victimes, on ne sait pas non plus qui elle était et cela nous va bien comme ça.
Mais arrive un jour où l'envie d'en savoir plus devient trop forte. Alors on plonge, tête première, dans les dessous de l'histoire et de l'Histoire, sans se douter que, de ces profondeurs, on ne remontera certainement jamais - jamais le même.
L'histoire de la Bête se pare ensuite d'une autre couleur; d'une autre saveur.
Au discours enfantin qui nous avait été conté succède ensuite la réalité quelque peu désagréable des faits historiques, et la Bête devient finalement dangereuse, comme elle l'avait été deux siècles plus tôt.
A mesure que le tunnel se creuse, l'histoire se mue: l'enveloppe luisante laisse peu à peu découvrir une chair beaucoup plus sombre.
Là, le chemin bifurque, et beaucoup préfère s'éloigner finalement de cette vérité qui effraie. Mais certains continuent, comme animés d'une incompréhensible détermination...
Je fais donc partie de ceux-là, atteints d'une maladie très contagieuse et incurable qu'on appelle communément la "passion".
Il y'a douze ans, j'étais jeune. La Bête n'était à mes yeux qu'un mythe, un conte; une autre de ces galipotes, un autre de ces loups-garou. Mais la Bête n'est pas morte et les balles ne lui font aucun mal. Pas plus qu'autrefois, d'ailleurs. Et comme tant d'autres j'ai été, moi aussi, dévoré par la Bête.
Je me heurte souvent à l'incompréhension de mon entourage lorsque je dis être passionné par la Bête du Gévaudan, et cela se comprend car la connotation légendaire qui l'accompagne ne disparaît pas malgré le temps qui passe.
Il faut dire aussi que l'accent est beaucoup plus mis sur cet aspect mythique, extraordinaire de l'affaire aujourd'hui, que sur son fondement purement historique. Et pour cause, cela attire bien plus les foules... La légende fascine et elle est en plus devenue rentable avec le temps.
Nos auteurs contemporains l'ont d'ailleurs bien compris et les romans se vendent à merveille, contrairement aux ouvrages à vocation historico-scientifique... !
Pour autant, l'intérêt concernant cette affaire n'en est pas moins, d'une manière générale, en panne sèche; la situation n'évolue plus et la Bête tombe peu à peu dans l'oubli.
A ce titre, constatons notamment qu'elle disparaît progressivement de l'actualité et que les articles à son sujet se font de plus en plus rares dans la presse.
Cela, nous le devons essentiellement au fait que le capital fictif de l'histoire a été épuisé par une mise en avant continuelle de la légende: l'histoire de la Bête n'intéresse plus car les gens pensent tout connaître de ce fait qui leur a été vendu comme simple depuis de nombreuses années.
Le potentiel de complexité de cette affaire n'est, de fait, pas exploité et le sujet termine de se consumer désormais.
Il semble qu'à l'image de la vie, l'histoire de la Bête ne soit qu'un cycle.
Il y'eut d'abord l'époque-même de la Bête, puis une période de déni général pendant laquelle les gens tentèrent d'oublier cette histoire et les dommages qu'elle leur avait causés.
Ce deuil passé, on découvrit quelques documents la concernant: Pourcher, puis Fabre publièrent les premiers ouvrages entièrement dédiés à ce sujet.
Les gens s'y intéressèrent et des recherches furent initiées, pour savoir ce qu'avait bien pu être la Bête du Gévaudan.
Des communautés de chercheurs virent finalement le jour et de nouveaux documents vinrent sans cesse compléter une base de documentation toujours plus conséquente.
Chemin faisant, les premières théories furent évoquées; le mystère de cette histoire avait un quelque chose d’irrésistible... Tout cela suivant son cours et parvenant finalement jusqu'à nous.
En région, pourtant, on garde encore le silence. Les habitants, qui sont pour certains des descendants des victimes de la Bête, ne parlent de cette affaire qu'à demi-mot.
De l'histoire de la Bête, on a certainement perdu de nombreux détails. Le souvenir de cet animal meurtrier effraie encore et les langues ont du mal à se délier, même au 21ème siècle.
A moins que. Car ces hommes du pays semblent tout de même conserver une chose noire en eux, "quelque chose" qu'il n'est pas bon de savoir et qu'il vaut mieux laisser dans les abysses de la mémoire.
Dans ce regard qui se détourne, il faut savoir lire, et dans cette voix qui se tord, savoir comprendre au-delà des mots: la bête humaine est compliquée, elle l'a toujours été.
En Gévaudan, il a voulu oublier, ce peuple de la Bête. Cependant, il a oublié, d'abord, que la Bête n'a pas seulement marqué ce petit monde - mais le Monde alentour.
Il semble qu'à l'image de la vie, l'histoire de la Bête ne soit qu'un cycle.
Il y'eut d'abord l'époque-même de la Bête, puis une période de déni général pendant laquelle les gens tentèrent d'oublier cette histoire et les dommages qu'elle leur avait causés.
Ce deuil passé, on découvrit quelques documents la concernant: Pourcher, puis Fabre publièrent les premiers ouvrages entièrement dédiés à ce sujet.
Les gens s'y intéressèrent et des recherches furent initiées, pour savoir ce qu'avait bien pu être la Bête du Gévaudan.
Des communautés de chercheurs virent finalement le jour et de nouveaux documents vinrent sans cesse compléter une base de documentation toujours plus conséquente.
Chemin faisant, les premières théories furent évoquées; le mystère de cette histoire avait un quelque chose d’irrésistible... Tout cela suivant son cours et parvenant finalement jusqu'à nous.
En région, pourtant, on garde encore le silence. Les habitants, qui sont pour certains des descendants des victimes de la Bête, ne parlent de cette affaire qu'à demi-mot.
De l'histoire de la Bête, on a certainement perdu de nombreux détails. Le souvenir de cet animal meurtrier effraie encore et les langues ont du mal à se délier, même au 21ème siècle.
A moins que. Car ces hommes du pays semblent tout de même conserver une chose noire en eux, "quelque chose" qu'il n'est pas bon de savoir et qu'il vaut mieux laisser dans les abysses de la mémoire.
Dans ce regard qui se détourne, il faut savoir lire, et dans cette voix qui se tord, savoir comprendre au-delà des mots: la bête humaine est compliquée, elle l'a toujours été.
En Gévaudan, il a voulu oublier, ce peuple de la Bête. Cependant, il a oublié, d'abord, que la Bête n'a pas seulement marqué ce petit monde - mais le Monde alentour.
Un calvaire, près de Châteauneuf-de-Randon, en Lozère.