"Lumière sur le mystère de la Bête du Gévaudan".


"Lumière sur le mystère de la Bête du Gévaudan" est un récit de mon invention qui relate le parcours de recherches d'un descendant d'une ancienne puissante famille d'Auvergne passionné par l'histoire de la Bête du Gévaudan, dans des archives familiales privées.
Au-delà de son caractère fictif, je développe, en filigrane de cette publication, l'hypothèse qui me paraît la plus vraisemblable pour expliquer le mystère de la Bête du Gévaudan. Ainsi, tous les personnages et lieux dont il sera question au fil du récit ont un fondement entièrement historique.
Afin de rendre le tout plus vivant, j'ai volontairement masqué certains éléments, qu'il appartiendra au lecteur de déchiffrer grâce aux indices que j'ai dissimulé entre les lignes.

PROLOGUE

Le château d'Esplantas, en Haute-Loire.

Il y’avait, dans la demeure familiale, au second étage, une pièce remarquable de par ses allées d’innombrables étagères sur lesquelles on avait entreposé, notamment, de gros coffres sombres. 
Cette pièce, autrefois verrouillée de quatre serrures pour une raison que j’ignore, servait aujourd’hui à l’entrepôt des archives historiques du domaine. Par chance, on ne devait pas mesurer assez l’intensité de ma curiosité, aussi j’avais la ferme assurance de pouvoir passer ici de longues heures tranquilles.
Les coffres étaient tenus fermés par de simples attaches de ceinture. On découvrait d’abord, en les ouvrant, que les documents qu’ils contenaient avaient été soigneusement classés par ans et par siècles. A raison de deux heures par journées, je dû étaler mes recherches sur trois semaines, tant il y’avait de documents en conséquence. Je ne pu rien tirer de la plupart, si ce n’est que je reconnus sur certains le nom de quelques ancêtres ayant acquis successivement le domaine et ses dépendances par héritage. 
A force d'insistance je découvris finalement une quantité relativement importante de documents ayant un rapport avec la Bête du Gévaudan, dont certains, je dois l’avouer, m’incommodèrent beaucoup. 
Mon obstination porta bel et bien ses fruits. 

Mes ancêtres avaient, au 18ème siècle, des attaches familiales dans tout le diocèse de Mende, et même dans l’Auvergne. On retrouve leurs traces ici, en Gévaudan, mais également dans d’autres provinces et d’autres royaumes.
Compte tenu de la teneur sensiblement affreuse, pour certains, des manuscrits qui me sont parvenus, j’aurais pris soin dans les retranscriptions qui vont suivre, après sage réflexion, d’exclure l’essentiel de ce qui pourrait conduire à identifier qui que ce soit clairement. Mais j’ai toutefois laissé, consciencieusement, quelques indications subtiles à destination de celui qui a l’âme d’un chercheur.
La consistance de ce qui va suivre est, à ma connaissance, inédite à ce jour, puisqu’elle permet de lever en partie, je le pense, le voile du mystère qui recouvrait jusqu’alors certains aspects de l’histoire de la Bête. Et je ne pourrai à ce titre pas m’étonner des effets en cascade que la révélation d'une pareille vérité entraînera naturellement.
Il est inutile, bien entendu, de préciser que je revêts, pour la nature des lignes qui vont suivre, une identité anonyme.


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PREMIERE PARTIE

Le village d'Arzenc d'Apcher, en Lozère.

Aristote disait: “Il faut préférer ce qui est impossible mais vraisemblable à ce qui est possible, mais incroyable.”
Brave Aristote qui, en son temps, avait déjà tout compris, dans un monde qui n'était pas si différent de celui que l'on connaît actuellement. 
N'en déplaise aux pacifistes et aux humanistes, la cruauté fut, et est toujours, une motivation de guerre certaine dont on se fiche complètement, en haut lieu, des conséquences qu'elle pourrait avoir sur les terres et gens que l'on massacre. 
Le Puissant rayonne et c'est en imposant la peur qu'il le fait; le tourment, la crainte dans le cœur et l'esprit de ceux qu'il veut commander et soumettre.
Ainsi, Alexandre, pour ne citer que cet homme parmi les Hommes, ou plutôt cet immense parmi les Immenses, ne lésina point sur les forces militaires en son temps afin de semer la terreur, au nom, notamment, de ce grand Péritas de fer qu'il semblait vénérer.
1 438 ans, c'est visiblement l'âge qui sépare la mort de ce tyran dans cette Amérique de Colomb de sa résurrection en France sous les Lumières.
Fléau de Dieu, comme selon Pierre, foudre invoquée par les offrandes accidentelles de sang répétées; caprice des uns ayant conduit le malheur des autres... Bien heureusement, on ne veut point le savoir, on ne veut point connaître; on ne cherche pas... ou plus.
"Notre-Dame, barres en avant", que des braves gens brandirent sans doutes vaillamment un jour que la pluie martelait la belle tour de  Saugues, résonne encore dans les ruines du Gévaudan d'aujourd'hui. 
On le sent bien d'ailleurs parfois quand, sur le soir, on va, sur les chemins, cueillir un peu de ce repos, et que dans l'air se joue encore quelque bataille étrange dans le lointain. 
Les gens, peut-être, veulent oublier et se taisent, mais la pierre, elle, se souvient et ne refuse pas de parler à qui sait l'entendre. 

Pour commencer, voyez plutôt cet écrit, issu d'une relation de M. J-J. D.C.R que ce dernier tenait visiblement à l'époque de la Bête.
Le déchiffrement d'une telle pièce n'a pas été aisé tant l'écriture est compliquée et certains points n'ont pas été retranscris volontairement de mon plein gré, ce qui explique les parties manquantes.

"Le 20 Juin 1767
La chasse du 19 dernier fut une réussite. L’on entendra plus, du moins, parler de la Bête, et je me suis entendu féliciter par … d’avoir pu conduire une entreprise si miraculeuse.
… qui vint me rencontrer le 18 sur le soir, assure qu’une certaine forme de sagesse est née désormais dans le cœur et l’esprit de … . Ces deux personnes ne m’inspirent pourtant guère confiance; quoique M.F … soit instruit de l’Ordre Souverain. J’ai recueilli son éminent témoignage, d’ailleurs, dans une note que j’adresserai à M. l.m.d.M.
Le sieur … avait en outre un fort tempérament, et une face bien sombre; nul doutes cependant que sa volonté, si elle servit de mécanique diabolique autrefois, permit hier d’assurer une fin définitive et salutaire aux événements".


§

Lithographie de la Légende rustique de George Sand. 1858.

On ne sait jamais qui se cache réellement derrière le masque du loup, de la bête. 
"L’Homme, disait Victor Hugo, est un loup pour l’Homme". Disons qu’il a appris, depuis des millénaires, à refouler sa nature animale au point d’en faire un symbole de déviance. Tellement apeuré sans doute qu’il est, derrière le penchant sauvage qui l’habite au plus profond de lui-même. 
La notion de folie ne désignerait-elle pas ce qu’il y’a de plus animal en l’Homme, et de surcroît, de plus naturel ? 
Toutes les règles, les lois de bienséance, d’éthique, auxquelles se conforment tant bien que mal les humains ne sont que le reflet de la crainte viscérale qu’ils conservent d’être un jour submergé de leur propre consistance et de celle de leurs congénères. 
La Bête du Gévaudan… était un Homme: un animal. Les témoins de l’époque n’ont pas falsifiés l’Histoire. Toutes les thèses concernant l’identité de la Bête se valent finalement, puisqu’elle était ni plus ni moins qu’un concentré des pires traits de chaque espèce que l’on soupçonne. Mais un Homme.
Voyez plutôt.

"Le 25 juin 1767
Monde cruel… Marie, tristes ténèbres; je veillais pourtant sur elle. Mais la Bête… Cette… "bête" ne distinguait donc point l’ami de l’ennemi dans sa quête insatiable du Mal… ?
Je… Je n’en avais cure… mais la Bête…".
Passé cela, le sieur J.C ne put continuer. On lui apporta un peu d’eau, après quoi: "C’est sur les chemins troubles que la raison se perd parfois, mais mes fils, eux, ne le savaient point. Anne ne le savait point non plus et tout au plus, on n’eut, dans la région, que quelques soupçons. 
Un homme vint me voir sur le milieu de l’an 64, il y’a maintenant trois ans. On ne l’avait jamais aperçu à la Besseyre. 
Cet homme se renseigna sur les bois de la Tenazeyre, qui sont au-dessus de notre village. Je lui dis ce que j’en savais, que mes fils y étaient gardes-chasse et qu’on y trouvait parfois des terrains fort peu praticables. Il me laissa là, après m’avoir dit qu’on se reverrait.
Et effectivement, il revint me voir, après avoir vu mes fils. Mais accompagné cette fois-ci. De deux grands garçons, habillés en nobles. Il me demanda si la région était bien sûre, parce qu’on voulait y faire de "grandes choses". Je lui répondis qu’il n’y’avait pas de soucis à se faire et qu’au pire, on y croisait parfois quelques bûcherons. 
C’est là qu’ils m’obligèrent à rentrer, de force. Ses deux fermèrent la porte derrière mois. Il me dit: "Voilà ce qu’on va faire. M. l.m a des choses à faire dans la région. Il ne veut pas qu’on l’embête. Il ne veut surtout pas qu’on le sache dans les environs. Tu n’as pas besoin de savoir quoi, c’est compris ? Dis à tes fils de ne pas se mêler de ce qui ne les regarde pas. On leur a déjà dis mais rappelles-le leur encore. Toi et eux, vous ne direz rien. C’est d’accord ? Si on a le moindre soupçon, si vous parlez de quoi que ce soit à qui que ce soit, je m’occuperai de vous faire taire à ma manière. 
Tu as de la famille ici ? Tu as une femme ?". Je leur répondis que j’avais une femme et des enfants. "Fort bien, alors tu sais ce que tu dois faire et ne pas faire. Tu ne nous as jamais vu et tes fils non plus. Ils t’en ont sûrement parlé, C…". C’est ainsi qu’ils partirent. Ils me laissèrent sans que je en sache de quoi ils voulaient parler. Je ne les revis plus jamais… Mais lorsqu’arriva la Bête, je fis le rapprochement. Et je me fichais un peu de toutes ces victimes. Nous, on ne craignait rien. Les gens du village nous craignaient. Et ceux des autres villages nous craignaient aussi. Mais on m’aimait bien quand même. En tous cas, moi, on m’aimait bien. Même si j’avais une sale réputation. Et alors ? On pensait que mon fils était un loup-garou… ! Eh ! Tiens donc… 
Avec mes fils, on en parlait. Mais eux non plus ne les avaient jamais revus, ces hommes-là. On en riait même, de voir tous ces pauvres gens se débattre avec la Bête. Et puis est venu le jour où on a failli tuer ces cavaliers, ces diables de cavaliers avec leurs belles parures d’or… Ils nous amusaient aussi, eux, à se prendre pour des "Saint-Sauveur". Des loups, on en tuait chez nous. Mais la Bête, c’était autre chose. Moi, je savais ce que c’était, ou plutôt j’avais une idée de qui c’était. Ils faisaient bien leurs affaires comme ils voulaient. Avec mes fils on vivait comme si de rien n’était. On les laissait vivre et c’était bien ainsi. 
Mais en cage, c’est là que j’ai compris. Cet Antoine avait tué un loup et était reparti comme si de rien n’était dans son Paris. Tout fière, tout beau, avec son loup bien beau comme lui. Il est parti, et on n’a plus entendu parlé de la Bête. Et les gens, ils nous donnaient de ces regards… Quand on était enfermé, la Bête avait fermée sa gueule, elle avait disparue. Mais moi je venais de comprendre. Le jeu n’en valait plus la chandelle, l’autre boursouflé et toute sa meute repartie. Et là, maintenant qu’il n’y’a plus rien à gagner, on veut nous faire porter le chapeau ? Oui, je comprenais. On était la solution, le plan pour eux, les C… qu’on avait toujours craint, c’était eux qui dressaient la Bête. Allons ! C’était évident non ? 
Quelle bande de dégonflés, ces horribles… Mais j’allais avoir ma revanche. L’autre valet n’avait qu’à revenir avec ses deux disciples. Je savais tirer, on avait des fusils. 
La Bête, pourtant, je ne l’ai jamais trouvé. Jusqu’au jour… où… elle tuait… ma petite Marie…". 

Voilà, Monsieur, l’essentiel du témoignage du sieur C… qui m’a guidé sur les traces du Monstre le 19 juin dernier. 
Ce qu’on disait ici était donc vrai ? 
De mon jeune âge, je ne voulais point le croire. Mais il y’avait en effet, de ce que tout cela augure, une part de réel derrière tant de mots. L'ai-je tout à fait compris ?"



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Suite à suivre.

3 commentaires :

Blaisse Annie a dit…

Quelle excellente initiative Quentin !! Un roman sous la forme d'un "feuilleton" comme cela se faisait autrefois. Ce procédé avait le don de tenir les lecteurs en haleine jusqu'au prochain épisode. Me voilà passionnée de connaître la suite !!

Le blog de la Bête du Gévaudan a dit…

Merci Annie ... La suite arrive très bientôt !

Annie a dit…

Nous sommes dans l'ambiance haletante de la quête de la Bête 🐺😨🐑🐲 vite le prochain épisode 📖